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"Miroir des excès et des manques de son époque, l'histoire des hôtels s'avère inséparable de l'histoire des sociétés et chacun d'entre-eux depuis sa construction, ses remaniements, ses changements de destination et parfois sa destruction correspond à un moment clé du passé ou de l'avenir qu'il domine de ses ors. Car le destin d'un hôtel ne lui appartient jamais en propre. Crises économiques, guerres, progrès industriels, mode et concurrence en font la proie d'un monde changeant où son arrogance en fait une incontournable cible. Car rien n'est plus fragile qu'un palace dont l'économie ne peut résister à la moindre crise, d'autant qu'à l'instar des casinos ils se démodent aussi vite que les robes en taffetas". ( Bruno Delarue-"Les bains de mer sur les côtes françaises" p 78- ed Terre en vue).

PRESENTATION


Le « Gallic hôtel » fût construit entre 1926 et 1927 sur les plans de l'architecte Marcel Oudin (1882-1936).

Cet hôtel est élevé sur les terrains d'une propriété dénommée "Bois Fleury" appartenant à la famille Meetz-Moulton. Cette famille Moulton, d'origine américaine, possédait également les deux villas "Moulton", en contrebas du "Gallic", situées en bordure de l'actuelle rue Vernet , dans un vaste parc qui s’étendait  de la place  Joffre, à la place de la République. Le "Gallic hôtel" va s'intégrer dans cet  environnement végétal, et faire corps avec lui. La ville de Dinard acquerra les villas "Moulton" en 1925, afin d'établir dans l'une d'elle, le siège de ce qu’on appelait à l’époque "le Syndicat d’initiatives" ancêtre de l’Office du Tourisme d’aujourd’hui. Les villas "Moulton" et leur parc disparaîtront dans les années 60 pour faire place au parking Vernet, privant ainsi le "Gallic"du cadre végétal dans lequel il s'inserrait.

Vue aérienne vers 1925 côté mer
avant la mise en construction du Gallic Hôtel
(source : collection particulière)


Vue aérienne vers 1925 côté ville
avant la mise en construction du Gallic Hôtel
(source : collection particulière)


Vue aérienne vers 1950
Le"Gallic"dans son cadre végétal originel
(source : collection particulière)


Angle Place de la République - Rue des Bains vers 1941
Au second plan, une des deux villas "Moulton"
(source : collection particulière)





Le 1er décembre de cette même année 1925, Jean Hennessy qui possède à Dinard la superbe villa  " La garde" va constituer, en apportant les terrains de  "Bois Fleury " qu’il a acquise en 1919, la société anonyme  "L'Écluse", au capital de 400.000 francs, dont il est le principal actionnaire. Cette société  dont le siège est successivement au n°1 de la rue Levavasseur puis au  n°13 du boulevard Féart, a pour vocation de créer des équipements balnéaires modernes afin de donner un nouveau souffle à Dinard. La station est en effet à un tournant important de son histoire. Elle doit satisfaire les goûts d’une nouvelle clientèle fortunée, dont les femmes ont coupé leurs cheveux et raccourci leurs jupes et qui pour fuir l'image des millions de morts de la Première Guerre Mondiale, se grise de modernité, de vitesse, de sport, et de jazz. Celle que l'on appellera  "la génération perdue" a désormais remplacé les "ladies", des sages  "five o' clock tea " du  "Hight Life Casino" de Dinard du début de siècle.

Cet ambitieux projet reçu immédiatement le soutient du maire et ce en dépit d'une forte opposition du Conseil Municipal où les débats seront très houleux sur le sujet.

Le  "Gallic Hôtel" sera l’unique réalisation de la société  "l’Écluse" qui restera propriétaire des murs jusqu’au lotissement de l'hôtel en 1949. Cette société sera également propriétaire des villas "Alba", "la Surprise","la Ruche","les Rochers", "Roche fontaine", "Campo bello" et "les Figuiers". Cette dernière située sur le trottoir opposé au Gallic, transformée en hôtel depuis le début du 20 ème siècle sous le nom "d'hôtel Régina", deviendra "l'hôtel des Figuiers" annexe du "Gallic Hôtel".


Papier à entête de l'hôtel des figuiers annexe du Gallic
 (source ; archives départementales d'Ile et Vilaine)


La mode des séjours en été sur la  "Riviera ", lancée à Juan les Pins en 1925 par le millionnaire américain Frank Jay Gould II et sa femme Florence qui y feront édifier le superbe hôtel "Le Provençal" et la crise de 1929, porteront un coup fatal à ce renouveau des équipements balnéaires de Dinard qui verra également échouer les lotissements de  "la Vicomté" dont seuls le casino et l'hôtel "Beauvallon" seront réalisés ainsi que celui de"Longchamps"à Saint Lunaire.
 

Florence Gould
à bord de "Normandie" vers 1935

Frank Jay Gould vers 1913



















Façade du casino du lotissement de la Vicomté et vue d'une salle de jeux
 (Victor Lesage architecte 1928)


Façade de l'hôtel "Beauvallon" du lotissement de la Vicomté 
(Victor Lesage architecte 1928)


Son premier et unique directeur, Tito Galli, d'origine italienne mais de nationalité anglaise, est salué par la presse locale, lors de l'inauguration comme un grand professionnel de l'hôtellerie. Il a en effet déjà dirigé de nombreux grands hôtels à Granville et à Jersey notamment.

Tito Galli sera également l'exploitant de l'hôtel jusqu'en 1944. En effet le 1er mai 1927, la société "l'Ecluse" lui donne à bail l'hôtel pour une durée de six ans.Ce bail sera renouvelé successivement en 1933, 1939 et 1941. Le loyer était constitué par un prélèvement sur les recettes bruts de l'hôtel au bénéfice de la société bailleresse. A l'origine du bail la rémunération était de 25% des recettes bruts en juillet, août, septembre et de 15% le reste de l'année. Ces conditions évolueront au fil du temps et provoqueront d'ailleurs une controverse en 1941, date à laquelle la société bailleresse exigera et obtiendra au titre du loyer, 45 % du montant des indemnités d'Occupation. 
La société "l'Ecluse" concédera également des baux à Tito Galli  en 1930 sur les villas "Campo bello" et "les Figuiers" et en 1936 sur la villa "la Ruche".

Dans les premières années de son  exploitation, le "Gallic Hôtel" sera un incontestable succès commercial et mondain. Un nouveau bar dancing va d'ailleurs voir le jour, juste en face du "Gallic Hôtel ", au 11 boulevard Féart, le "Casanova ", œuvre également de Marcel Oudin. Les riches clients de l'hôtel vont pouvoir  y danser  jusqu'au petit matin, au son des orchestres de jazz et de tango venus de Paris, New York ou Buenos Aires.


Entrée du "Casanova", 11 boulevard Féart,
projet de façade par Marcel Oudin vers 1927
(source : Archives Municipales de la Ville de Dinard)



Panneau provenant
du décor intérieur du "Casanova"

La presse locale sera un relais régulier de la vie mondaine du "Gallic Hôtel", comme le prouve l'article, extrait du "journal de la côte d'émeraude" d'août 1931, ainsi  que le cliché,  publié dans la revue "Dinard mon pays", pris lors d'un "thé" donné au Gallic Hôtel le 3 juillet 1931, à l'occasion de la première arrivée, en gare maritime de Saint Malo, du train rapide "Emeraude- Pyrénnée", ci après.






Cliché pris devant la rotonde à l'occasion  d'un "thé" donné le 3 juillet 1931



 
Page de garde du livre de police de l'hôtel
année 1931
(source : collection particulière)




















Extraits du livre de police de l'hôtel années 1931-1934. La colonne de gauche reprend les numéros de chambre. La colonne "date de naissance" reprend l'âge des clients
(source : collection particulière) 

Cliché d'un groupe de touristes pris  le 3 juin 1932
 (source : collection particulière)


Extrait du guide rouge Michelin année 1939.
Le Gallic hôtel est l'un des trois meilleurs établissements
de la station.
(source : collection particulière)


Cependant, à l'approche de la seconde guerre mondiale, cette même exploitation s'avérera de plus en plus difficile, au point que dès 1938, la fermeture et le  lotissement en appartements, sont déjà envisagés.

Le "Gallic Hôtel" subira, d'une part, les conséquences de la crise de 1929 aux États Unis, qui touchera  l'Europe en 1931, en perdant une grande partie de sa clientèle , essentiellement anglo-saxonne. Il fût d 'autre part construit "trop tard" à une époque où la vocation mondaine de Dinard commence à décliner, au profit d'une vocation familiale. Cette tendance se confirmera dans les années de l'après guerre avec la disparition des autres palaces de la station, dans les années 50-60, à l'exception du "Grand Hôtel".



Vue générale prise en 1927, l'hôtel est en cours d'achèvement
(source : collection particulière)



CONSTRUCTION


Le choix de Marcel Oudin, architecte parisien réputé et spécialiste du béton armé, est sans doute lié au fait qu’il a déjà travaillé à plusieurs reprises pour les Hennessy, en modernisant, entre autre, leurs chais de Cognac, mais également à son implantation à Dinard, avec une agence d 'architecture au 6 de l’avenue Édouard VII et à « la Fourberie » où il possédait une maison.


Jean Hennessy 1874-1944


Marcel Oudin, étudiant aux Arts Déco vers 1900,
second en partant de la gauche








Plaque de signature de Marcel Oudin apposée
sur l'hôtel Massilia à Paris (1912)



Entrée de l'agence d'architecture
de Marcel Oudin à Dinard
au 6 de l'actuelle avenue Edouard VII

Marcel Oudin appartient à la génération des architectes qui conçoivent l’architecture d’un bâtiment dans sa globalité. Cela signifie que les intérieurs et les extérieurs forment un tout indissociable pensés par eux seuls. Le Gallic Hôtel est l’archétype de ce concept architectural. Marcel Oudin cherchera, par exemple, tant par le cloisonnement intérieur des locaux communs du rez-de-chaussée, au moyen de panneaux vitrés, que par la disposition des façades « en gradin » sur la mer et en « paravent » sur le boulevard Féart, à capter en permanence la lumière, d’une plage exposée à la belle, mais difficile lumière du nord.


Plan relevé par Alexis Daniel en 1948 pour le lotissement. 
Les chambres sont encore dans leur disposition d'origine. 
(source : archives de la copropriété "Le Gallic")


La démolition de la villa « Bois Fleury » est entreprise en avril 1926 et l'hôtel inauguré le 4 juin 1927. L'immeuble est construit sur une ossature en poutrelles de  ciment armé, il n'a aucun murs porteurs. C'est le recours à cette technique qui est une première dans la région, mais qu'utilisent  déjà, depuis le début du siècle, des architectes comme Auguste Perret, qui explique la rapidité de son édification.

L’inauguration, suivie d'un déjeuner de 200 couverts, se fera en grande pompe en présence du maire Paul Crolard qui avait défendu le projet.
Des fêtes ininterrompues, durant lesquels se succéderont, galas, banquets, "fête fleurie", élection de Miss, relatés par toute la presse locale, se dérouleront du 4 au 11 juin 1927.

 

Étiquette de valise
(source : collection particulière)
Vue en 1927 lors de l'inauguration
(source : collection particulière)



DESCRIPTION DES BATIMENTS (1)

Façade mer en 1927
(source : collection particulière)
La façade mer, en « gradins », la plus spectaculaire de l'immeuble, a certainement été inspirée à Marcel Oudin par les réalisations de l'architecte Henri Sauvage son illustre contemporain. Ce dernier utilise, en effet, le principe de la maison « à gradins » pour la première fois en 1912 dans la réalisation d’un immeuble au 26 de la rue Vavin à Paris. L’immeuble de 80 logements sociaux qu’il réalisera en 1922, rue des amiraux dans le 18e arrondissement de Paris, reste l'exemple le plus achevé de ce style.

Les préoccupations d'Henri Sauvage sont avant tout « hygiénistes ». La disposition en gradins permet, en effet, de faire entrer l'air et la lumière dans les logements à une époque où la tuberculose que l'on ne sait soigner que par « le bon air » et l'exposition au soleil, reste un fléau. Ses travaux auront une influence importante sur ceux de Le Corbusier, dans la réalisation des « cités radieuses » de Marseille et de Nantes.

Ce langage architectural « hygiéniste » était tout à fait adapté à la conception des « bains de mer » de l'époque, encore teintées d'une forte connotation thérapeutique. Est il besoin de rappeler que c'est la santé fragile de leur fils Paul dit "Paulo" qui amènera le couple Picasso à résider par trois fois à Dinard, dont une semaine au « Gallic Hôtel» en juillet 1928 et août 1929 (chambre 182, 6 ème étage, angle mer et bld Féart).

Cette disposition en gradins successifs permet dans le cas du « Gallic » exposé au nord, de recevoir le soleil jusqu’à midi sur les terrasses des chambres du premier étage, les plus vastes et les plus onéreuses de l’hôtel. Le phénomène s’inverse au couchant et concerne les chambres les plus « modestes » du 6 e étage. Une disposition en aplomb de la façade aurait rendu impossible l'accès au soleil, source de santé et de bien être selon les préceptes médicaux de l'époque.




Détail de la terrasse avant la construction de la rotonde 






Une rotonde sera ajoutée à cette façade en 1928, afin d'y installer un restaurant qui viendra compléter la salle à manger réservée aux clients résidents de l'hôtel. La table du Gallic hôtel ayant acquis dès la première saison une grande renommée, cet agrandissement c'était révélé nécessaire. L'ajout de cette rotonde est attribué, sans qu’il soit possible de l'affirmer, à Alexis Daniel, architecte à Pleurtuis et assistant de Marcel Oudin.



Façade mer vers 1930 la rotonde a remplacé la terrasse
(collection particulière)

DESCRIPTION DES BATIMENTS (2)


La façade boulevard Féart

Afin d'éviter un effet de monotonie du fait de la grande longueur de cette façade, Marcel Oudin, va faire se succéder trois motifs verticaux différents, en jouant sur la disposition des ouvertures : un motif de "paravent"coiffé d'une loggias, un motif de deux balcons encadrant une fenêtre, et enfin des groupes de fenêtre jumelles vers les gradins de la façade mer. L'ensemble donne ainsi l'impression de trois façades d'immeuble juxtaposées, dont la continuité est assurée par un auvent.

Cette façade est sans doute la plus représentative du style de Marcel Oudin à cette époque.

Il convient de rappeler que Marcel Oudin vient de réaliser en 1925 le pavillon des « Magasins réunis » à l'exposition internationale des arts décoratifs. Il a déjà beaucoup travaillé pour cette chaîne de magasins propriété de la famille Corbin, dont il a dessiné les plans, en 1913, de la célèbre succursale de l’avenue des Ternes à Paris, classée aujourd’hui monument historique.

On trouve sur cette façade du « Gallic » les principaux éléments architecturaux de ce pavillon de l'exposition de 1925 à savoir :

La fenêtre en « paravent » qui permet d'avoir des vues plus nombreuses et de la lumière. Ce principe qui correspondait tout à fait aux nécessités balnéaires connaît un développement très important sur cette façade du « Gallic » Il offrait ainsi aux chambres et suites de l’hôtel des vues en échappée « mer » et « ville ».


Fenêtres en "paravent"
Côté boulevard Féart
(source : collection particulière)


L’utilisation du auvent au-dessus de fenêtres comme au dernier étage du « Gallic ». Ce rôle est joué par les jardinières sur le reste de la façade mer. Ces jardinières sont un élément constant et particulièrement développé dans toutes les réalisations de Oudin à cette époque, que ce soit au « Gallic » ou dans son projet, non réalisé, de piscine thermale pour Dinard.

L’utilisation des verres de couleurs bombés, inclus dans un fin treillage métallique se retrouve à la fois dans le pavillon de l’exposition des Arts Décoratifs et au « Gallic » où ils garnissent la monumentale marquise qui protège l’entrée de l’hôtel.

Détail des verres de couleur de la marquise






Il convient enfin de remarquer les emprunts architecturaux faits à ce que l'on qualifiera d’architecture « coloniale » alors très en vogue.

On retrouve l’expression de cette dernière dans les motifs de la balustrade, qui couronnait le toit terrasse, les motifs des châssis de fenêtre et de portes qui sont directement inspirés par l’Asie du sud-est. Les couleurs retenues, ocre très clair pour les murs et rouge « Estérel » pour les volets ne sont pas sans rappeler l’or et le laque des temples bouddhistes.

Enfin, un effet visuel de pergola qui allégeait l'immeuble, était obtenu par la polychromie des loggias du dernier étage. Les murs, dans leur partie supérieure, entre les ouvertures ainsi que les plafonds de ces dernières étaient de couleur rouge « Estérel » et les structures porteuses, comme les colonnes et surtout les solives qui soutiennent l’auvent, de la couleur du reste de l’immeuble.

Détail de la polychromie de la loggias

Entrée principale et marquise boulevard Féart
(source : collection particulière)

DESCRIPTION DES BATIMENTS (3)

Un second bâtiment de trois étages située dans le jardin intérieur, aujourd’hui transformé en cour. Il comportait 32 chambres équipées chacune d'un lit pour deux personnes, d'un lavabo avec eau chaude et froide et du chauffage central. Ces chambres dites « chambres de courrier » étaient destinées aux chauffeurs et domestiques des clients de l'hôtel. En effet ces derniers se déplaçaient toujours, même lorsqu’ils résidaient à l’hôtel, avec une nombreuse domesticité qui continuait de les servir. À titre anecdotique, Picasso lors de son séjour à l'hôtel, ne logera pas son chauffeur - secrétaire dans ce bâtiment mais avec lui dans la chambre 182, située au 6e étage (angle bld Féart et mer). La facture conservée au musée Picasso ne comportant en effet qu’un seul numéro de chambre.


Bâtiment des "courriers" et jardin intérieur
(source : collection particulière)

 

EMMENAGEMENTS INTERIEURS (1)

LE HALL 



Plan général du RDC du Gallic Hôtel relevé par Emile Guisnel vers 1940
 (source : Archives départementales d'Ile et Vilaine)

Marcel Oudin a conçu pour ce lieu un dessin très épuré et d'une grande simplicité d'effet et ce par opposition aux autres locaux communs de l'hôtel sur-décorés par des peintures au pochoir d'une forte et envahissante polychromie.

Le volume très important, aux murs unis de couleur ivoire, n'est en effet ponctué que par deux importantes colonnes au fût lisse, encadrant la majestueuse porte à tambour, symbole par excellence du luxe des palaces. Le sommet de ces colonnes est le point de départ d'une corniche éclairante, qui par ses nappes lumineuses projetées au plafond, divise ce dernier en plusieurs zones et atténuer ainsi l'effet de hauteur en structurant l'espace. Ce dispositif lumineux évitait l'emploi de lustres, rendu impossible par la fragilité des plafonds, et conservait la pureté générale de la ligne architecturale.

Le sol est recouvert d'un très beau pavage bleu et ocre au dessin encore influencé par l'"Art Nouveau" dont on retrouve en permanence le motif dans les principales réalisations de l'architecte. Dès les années 1910 il utilise en effet ce pavage pour recouvrir le sol des succursales des "Magasin Réunis" qu'il réalise pour la famille Corbin. On peut l'y voir sur la maquette originale de la succursale de Flers de l'Orne (1913) conservée de nos jours par la médiathèque de cette même ville.
Le rapprochement qui est parfois fait entre ce carrelage industriel et les mosaïques réalisées par la maison Odorico à Dinard reste pour le moment au niveau de l'hypothèse. 

L'ameublement de ce hall était principalement constitué de fauteuils de style "Art Déco" recouverts de cuir clouté avec assises en velours de deux modèles différents. Ils voisinaient avec un ensemble de sièges et de tables en osiers de style "victorien" dont les bordures étaient de couleur bleu et rouge. Ce mélange de sièges en osier et "tapissiers" était très courant dans les hall des grands hôtels des stations balnéaires et thermales du début du XX ème siècle. Ce mobilier éclectique peut paraître anachronique dans un lieu comme le "Gallic" incarnant la modernité. Un tel choix avait peut être été dicté par la volonté de ne pas changer les habitudes d'une clientèle fréquentant des palaces dont le décor avait peu évolué depuis la "Belle époque". Il faut en effet garder à l'esprit que la décoration "moderne" ne concernait encore en 1927 qu'une petite élite et qu'elle était loin de faire l'unanimité en particulier dans les couches aisées de la société. Les établissements hôteliers qui optèrent pour une modernité radicale à cette époque comme "Latitude 43" à Saint Tropez connurent d'ailleurs rapidement l'échec.


Détail du carrelage du Hall


Guéridon en osier provenant du hall
(source : collection particulière)
Fauteuil en osier
provenant du hall
(source : collection particulière)



Fauteuil provenant du hall
recouvert de cuir 
état actuel 
(source : collection particulière)
Fauteuil provenant du hall
 recouvert de cuir
état d'origine
(source : collection particulière)


Les ascenseurs conçus par la société Roux et Combalusier, demeurent l'élément essentiel de la décoration de ce hall. Ils vont recevoir un traitement particulièrement soigné, car ils sont l'expression de la modernité et du standing de l'hôtel. Il faut en effet se replacer dans le contexte d'une époque où le luxe des palaces ne réside pas tellement dans leur décor, mais essentiellement dans des installations techniques qui nous paraissent aujourd’hui bien banales, comme le chauffage central, réalisé par la société Herbert de Saint Brieuc ou l'hygiène symbolisée par les cent salles de bain, que comptait le « Gallic » en 1927 pour ses cent cinquante chambres.


Il n'existe plus aujourd’hui que deux exemplaires connus de cette exceptionnelle batterie à deux ascenseurs, encore en état de fonctionnement. Celle du « Gallic », restaurée en 2010 sous l'autorité de l'Architecte des Bâtiments de France, par l'entreprise Schindler qui en possède les plans originaux et celle du célèbre hôtel « Westminster » au Touquet.

Plan en élévation des portes palières de la batterie d'ascenseurs
(source : archives société Schindler) 







Ce qui constituait une caractéristique très intéressante de ce hall était sa luminosité. Le dispositif de cloisonnement entièrement vitré entre le salon, la salle à manger, la galerie et le hall, laissait entrer en abondance la lumière du nord, côté mer. Les verrières de la porte à tambour et les dix-huit fenêtres de la cage d'escalier apportaient successivement quant à elles, le soleil matin et après midi.



Galerie reliant le hall (au fond) au jardin côté mer.
Le salon se situait derrière la paroi vitrée de  gauche 
et la salle à manger derrière celle de droite
(source : collection particulière)
Vue du hall prise de la porte à tambour, 
au fond à gauche les ascenseurs
(source : collection particulière)

Vue du hall prise de l'escalier
(source : collection particulière)



























Ascenseurs au rez de chaussée
après restauration en 2010
(source : photo P.Viger)





Ascenseurs détail de la ferronnerie
après restauration en 2010
(source : photo P.Viger)



Ascenseurs à l'étage après restauration en 2010 
(source : photo P.Viger)



























L'entrée du bar de l'hôtel, au nom très british de « Gallic's Bar » se situait derrière les ascenseurs. On accédait par trois marches à cette pièce très étroite qui sera agrandie en 1932 par une pergola vitrée (dont les colonnes sont encore visibles dans la cour) où se situait la piste de danse. La décoration était la aussi constituée de peintures au pochoir au motif de « cordage » qui encadrait des scènes décoratives sur le thème de la mer. Le mobilier, typique des bars de l'époque, provenait de la maison Fischel. Ce bar qui restait ouvert toute l'année possédait également une entrée sur rue.



Plan du "Gallic's bar" relevé par Emile Guisnel vers 1940
 ( source : Archives départementales d'Ile et Vilaine)


Vue du Gallic's bar 
(source : collection particulière)




Broc, cafetière, théière, en métal argenté de la maison Christofle pour le service du Gallic's bar
et de l'ensemble de l'hôtel.
(source : collection particulière)

Cendrier Porcelaine HAVILAND

On accédait par ce même hall à un petit salon situé à droite de la porte à tambour, ainsi qu'à un restaurant dénommé "petit restaurant" qui lui faisait suite et jouxtait l'entrée sur rue du bar.

La conservation de ce hall est remarquable puisqu’en dehors de deux amputations mineures dues à la création, lors du lotissement de 1948, des boutiques situées de part et d'autre de l'entrée par Alexis Daniel assistant de Oudin en 1927, il a conservé ses proportions et son décor d'origine. Il constitue l'un des très rare témoignage de décors intérieur conçu par Oudin, architecte de l'éphémère, qui ont presque tous aujourd’hui disparu.

La restauration du hall est intervenue en 2018 sur les conseils de l’Architecte des bâtiments de France Les couleurs d'origine ainsi que leur disposition ont pu être retrouvées par grattage des murs et des corniches. Cet espace a ainsi pu recouvrer toute sa monumentalité brouillée par la pose de papier peint en partie basse dans les années 50. L'ensemble remeublé d'un mobilier provenant d'hôtels ou de casinos, et ce malgré les amputations citées ci-dessus dégage à nouveau, grâce à la couleur ambrée de ses murs et son trompe l’œil "acajou", une atmosphère d'élégante simplicité.


 
Vues du hall après restauration en 2018