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"Miroir des excès et des manques de son époque, l'histoire des hôtels s'avère inséparable de l'histoire des sociétés et chacun d'entre-eux depuis sa construction, ses remaniements, ses changements de destination et parfois sa destruction correspond à un moment clé du passé ou de l'avenir qu'il domine de ses ors. Car le destin d'un hôtel ne lui appartient jamais en propre. Crises économiques, guerres, progrès industriels, mode et concurrence en font la proie d'un monde changeant où son arrogance en fait une incontournable cible. Car rien n'est plus fragile qu'un palace dont l'économie ne peut résister à la moindre crise, d'autant qu'à l'instar des casinos ils se démodent aussi vite que les robes en taffetas". ( Bruno Delarue-"Les bains de mer sur les côtes françaises" p 78- ed Terre en vue).

DE 1939 A 1944


Le Gallic Hôtel transformé en hôpital
par l'armée française
photographié par un soldat de la Wehrmacht
fin de l'été 1940... une époque s'achève...
(source : collection particulière)

Le fonctionnement de l'hôtel durant la Seconde guerre mondiale, période sombre et troublée de son histoire, nous est en partie connu grâce aux dossiers d'indemnisation résultant des réquisitions françaises et allemandes conservées aux archives départementales d'Ile et Vilaine dans le fond des "réquisitions allemandes". Les exceptionnels clichés photographiques de la "PWG collection" nous permettent d'avoir également une vision concrète de ce qu'à pu être le quotidien des soldats de la Wehrmacht durant l'occupation de l'hôtel par l'armée nazi.

La réquisition de l'armée française (9 septembre 1939-15 juin 1940). 
 
Le 9 septembre 1939, le Gallic Hôtel, comme certains autres grands hôtels de la station (Le Grand Hôtel, le Granville hôtel...) va être réquisitionné par l'armée française qui y installera un hôpital militaire complémentaire jusqu'au 15 juin 1940. 

Les services de l'armée vont dresser un état des lieux extrêmement détaillé de l'hôtel pièce par pièce lors de leur arrivée. Ce document d'une grande importance montre en particulier que l'ensemble de l'hôtel tant extérieurement qu'intérieurement était dans un état assez médiocre au bout de 13 ans d'exploitation. Les papiers peints des chambres sont dans l'ensemble défraîchis, le peintures abîmées en de nombreux endroits, l'installation électrique dégradée ainsi que les carrelages de bon nombre de salles de bain, les marches de l'escalier principal constituées de tuffeau présente des signes d'usure etc..



Document du service de santé des armées du 28 mai 1940 portant le cachet de l'hôpital militaire complémentaire du Gallic Hôtel à Dinard
(source : "DR")










L'armée française va procéder à un nombre important de transformations des installations de l'hôtel. Nous les connaissons par le témoignage que va faire monsieur C.... employé de l'hôtel durant tout le Second conflit mondial,  lors de la constitution par la Société "l'Ecluse" du dossier de demande des dommages de guerre en 1945.

Selon monsieur C... l'armée va modifier l'installation de chauffage, mettre en place de nouveaux cloisonnements, scier une des deux cabines d'ascenseur afin d'y faire passer des brancards. Les services sanitaires de l'armée vont installer une salle d'opération dans le bar obturant la verrière qui surplombait la piste de danse et vont faire disparaître une partie des décors peints sous une épaisse couche de peinture de couleur bleu. 

Le symbole de la Croix Rouge va être peint sur le revêtement du toit de l'aile Est en bordure du boulevard Féart. Elle signalait la présence d'un hôpital qui selon les conventions internationales sur l'état de guerre ne devaient théoriquement  pas être pris pour cible lors de bombardements aériens.

 
Vue aérienne de Dinard vers 1940- cliché de la Luftwaffe. Le toit de l'aile Est du Gallic est marqué du sigle                   de la Croix Rouge
           (source : collection particulière)



La réquisition de l'armée allemande (15 juin 1940-15 août 1944).


Après la débâcle de juin 1940, Dinard va s'installer jusqu'à l'automne dans une ambiance étrange. En effet durant cet été particulièrement ensoleillé les réfugiés de l'exode vont devoir cohabiter sur les plages qui leur seront bientôt interdites à l'exception de celles des bords de Rance, avec les soldats de l'armée d'occupation. Les photographies qui suivent prises à des fins de propagande par les soldats de l'armée nazi et envoyées à leurs familles, transforment ainsi la réalité de l'occupation en "vacances insouciantes". Si l'on ignorait la date de ces prises de vues on pourrait facilement croire que l'ambiance de la plage de l’Écluse est demeurée la même qu'avant l'invasion.











Clichés pris sur la plage de l’Écluse et la terrasse du Yacht Club
 par des soldats de l'armée d'occupation durant l'été 1940
 (source collection particulière)


La Wehrmacht va à son tour réquisitionner l'hôtel dès le 15 juin mais on ne connait pas à ce jour l'emploi exact qu'elle en fera. La réquisition prendra fin le 15 août 1944.

Tito Galli son directeur et exploitant va être arrêté ainsi  qu'une partie de sa famille en sa qualité de citoyen britannique et interné au camp de Saint Denis en banlieue parisienne. Il ne sera libéré qu'après avoir demandé et obtenu la nationalité italienne selon le témoignage de monsieur C... déjà cité. C'est sa fille Yolanda Huet-Galli qui va semble t-il assurer la direction des affaires du "Gallic" durant la détention de son père dont on ne connait pas la durée.


Deux soldats de la Wehrmacht posent dans l'escalier du jardin nord vers 1941. Ce dernier paraît encore entretenu




 (source : collection particulière)

Un groupe de soldats fête le noêl 1941 dans une chambre de l'hôtel
(source : The PWG collection )

Deux soldats photographiés dans une chambre de l'hôtel vers 1941
(source : The PWG collection )





Un groupe de soldats fête le noêl 1941 dans une chambre de l'hôtel
(source : The PWG collection )






  


Un soldat de la Wehrmarcht photographié 
côté mer vers 1941 

(source : The PWG collection )




Le même soldat en tenue de plage


(source : The PWG collection )



L'indemnisation pour réquisition

La procédure d'indemnisation qui va alors se mettre en place suite à la réquisition, était basée sur une "fiction" qui consistait à considérer que l'armée allemande était l'unique "client" de l'hôtel, 365 jours de l'année. A cette fin, en octobre 1940 la direction de l'hôtel va transmettre aux autorités françaises le nombre et le tarif des chambres pratiqués en 1939. C'est sur cette base avec un abattement de 45 % que l’hôtelier va adresser mensuellement un état récapitulatif aux autorités françaises qui vont l'indemniser jusqu'en 1943 sur la totalité des chambres de l'hôtel. Ces demandes sont accompagnées à titre de justificatif du bon de logement de l'armée allemande correspondant. Ces documents sont ensuite visées par les services municipaux de la Ville de Dinard avant transmission aux services compétents de la préfecture d'Ile et Vilaine. A partir de 1943 le système va évoluer et des tarifs et abattement différents seront pratiqués en fonction de l'occupation effective ou non des chambres ce qui n'était pas le cas précédemment. 



Déclaration du nombre de chambres  
et de leur niveau de confort en octobre 1940 
(source archives départementales d'Ile et Vilaine)
Déclaration en octobre 1940
 des dates d'ouverture de l'hôtel
et des tarifs pratiqués en 1939
  (source archives départementales d'Ile et Vilaine)
 
 

 

 




 
















Exemple de mémoire récapitulatif
d'indemnisation
 pour travaux et entretien 1942
 (source : archives départementales
d'Ile et Vilaine)
Exemple de demande d'indemnisation 
couvrant la période du 1er au 31 janvier 1943 
 (source archives départementale d'ile et Vilaine)



























Bon de logement de l'armée allemande
 du 21 décembre 1943 au 10 janvier 1944
 (source: archives départementales d'Ile et Vilaine)
Si l'indemnisation portant sur les chambres ne soulève pas de contestation majeure, il en va tout autrement des surfaces des locaux communs (salon, salle à manger, jardin etc)  utilisés par l'armée allemande et de l'estimation du montant de la perte d'exploitation que cela représente.
  
Afin de justifier les demandes d'indemnisation sur ces parties de l'hôtel, la direction comme celle du Grand hôtel ou du Granville Hôtel, va faire dresser par  l'architecte Emile Guisnel qui est également celui de la Ville de Dinard, des plans du rez de chaussée, du sous sol et du jardin nord qui nous sont parvenus. Un échange de correspondance très fourni va alors s'engager entre les autorités françaises et la direction de l'hôtel sur les montants réclamés qui étaient basés sur l'utilisation commerciale ou non des locaux en 1939 et les surfaces réquisitionnées.

En 1941 lors du renouvellement du bail, une controverse va éclater entre la Société "l'Ecluse" et la direction de l'hôtel. La société bailleresse considère que les conditions de l'exploitation de l'hôtel ne sont plus celles du bail initial et que les taux de base du loyer sont devenus obsolètes du fait du changement de nature de l'activité de l'hôtel.  Elle pose comme condition au renouvellement du bail que 45% du montant des indemnisations lui soit reversés. Un arrangement sera trouvé entre les parties devant notaire, le bailleur recevra ce qu'il avait demandé, la famille Galli conservant 55% du montant des indemnisations.

Durant cette période, on trouve également conservées dans les archives départementales, un certain nombre d'états de demande d'indemnisation portants sur de multiples travaux de réfection des intérieurs, entre autre de la rotonde, des achats de charbon, des notes de blanchisserie de linge d'hôtel etc. Il semblerait selon ces documents que le service hôtelier fonctionnait a minima,  réserve étant faite que le personnel, principalement des femmes de ménage, était engagé directement par les autorités allemandes.

Si le système et le montant des indemnisations est connu, rien n'atteste cependant que ces sommes furent réellement versées à l'exploitant. La lettre de réclamation reproduite ci après, adressée au préfet par madame Huet-Galli le 23 juillet 1941 tend à montrer que les paiements s'ils sont réellement intervenus étaient en tout cas très irréguliers.


(source : archives départementales
d'Ile et Vilaine)


 La fortification

Elle va débuter lors de l’installation sur le toit terrasse, toujours selon le témoignage de ce même monsieur C..., de deux batteries de défense anti-aériennes. Ces batteries sont effectivement visibles sur les clichés ci dessous pris par des soldats de l'armée allemande  Une importante station radio sera installée également au sous sol.





Cliché pris par un soldat de la Wehrmacht en 1942.
Il s'agit sans doute de l'une des dernières visions des jardins
qui disparaîtront lors de la fortification du sous sol
de la rotonde où sera installée entre autre une station radio.
(source : collection particulière)




Cliché pris par un soldats de la Wehrmacht en 1941 . 
Deux batteries anti-aériennes 
ont été élevées sur le toit terrasse.
(source : collection particulière)

Par la suite un abri anti-aérien va être construit sous la rotonde par le comblement de l'espace qui originellement en faisait une construction sur pilotis. Le dessous du sol de la rotonde va être renforcé par d'épaisses poutrelles de métal et l'espace divisé en trois sections afin d'éviter la propagation du souffle des bombes en cas d'attaque aérienne.Un épais tablier de protection constitué de terre va être mis en place au pied de la rotonde et entrainer la disparition de cette partie du jardin. De nos jours cet abri est resté en l'état.

Un important bunker de défense précédé d'une fosse d'accès va quant à lui être édifié en bordure de la place Foch entre le Gallic et la villa"Moulton", dans la partie la plus au nord du jardin qui va à son tour disparaître. Il fût impossible de le détruire sans risque en 1945, il est par conséquent toujours en place.

Enfin un tobrouk ou bunker individuel  va être construit le long du mur de clôture du jardin en bordure du boulevard Féart.
 


Plan du jardin fortifié
  (source archives départementale
d'Ile et Vilaine)



La réquisition de l'armée américaine (26 août 1944 -26 septembre 1944)


Cette réquisition  va intervenir le 26 août 1944 et se terminera le 26 septembre de la même année. A partir de cette date l'hôtel sera rendu à son propriétaire la Société "L"Ecluse". Selon le témoignage du même monsieur C... monsieur Galli qui décédera en 1949 aurait "disparu" au départ de l'armée allemande.

On ne possède aucune information sur la présence de l'armée américaine dans l'hôtel en dehors du témoignage de monsieur C.... Celui-ci doit être contextualisé et lu à la lumière du climat de la Libération et du mythe du "sistentialisme"en devenir. Rien ne prouve en effet que le comportement de ce troisième corps de troupe à occuper l'hôtel en quatre ans ait été plus exemplaire comme monsieur C... l'affirme que celui des deux précédents.


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